Strasserisme
Le strasserisme (de l'allemand Strasserismus), du nom de ses fondateurs Gregor et Otto Strasser, est une tendance révolutionnaire du national-socialisme présentée comme plus à gauche que la ligne officielle du Parti nazi car se basant sur l'action de masse et tirant son hostilité à l'égard des Juifs d'une forme d'anticapitalisme et d'ultranationalisme étatique.

Otto Strasser est expulsé du Parti nazi en 1930, pour ses divergences avec Adolf Hitler sur la ligne politique à tenir. Il fonde alors le Front noir, qui se réclame du « véritable » national-socialisme, mais est forcé de s'exiler en Tchécoslovaquie. Son frère Gregor est exécuté en Allemagne, pendant la Nuit des longs couteaux du .
Le strasserisme demeure, à ce jour, une tendance active au sein de la mouvance néo-nazie.
Idéologie
modifierBien que les frères Strasser aient été impliqués dans la création du programme du Parti national-socialiste, ils ont appelé le parti à « briser les chaînes de la finance »[1]. Cette opposition au « capitalisme financier juif », par opposition au « capitalisme productif », fut initialement partagée par Adolf Hitler lui-même, qui devait cette vision à Gottfried Feder[2].
Dans le Nationalsozialistische Briefe, Otto Strasser expose sa théorie anticapitaliste, basée sur l'antisémitisme et le populisme. L'écrit décrit une notion de lutte des classes ; en outre, son auteur y prônait une redistribution des richesses, ainsi qu'un rapprochement avec l'Union soviétique. Dans le Ministersessel oder Revolution, Otto Strasser s'insurge contre la trahison de l'aspect socialiste du Nazisme, et contre la notion de Führerprinzip prodiguées par Hitler[3]. Alors que Gregor Strasser fait écho à plusieurs appels de son frère, son influence sur l'idéologie est moindre que celle d'Otto, du fait que celui-ci est resté membre du NSDAP hitlérien jusqu'en 1933.
Otto Strasser fait du strasserisme une tendance distincte de la ligne officielle du Parti, défendant une économie planifiée[4]. Cette tendance restait fidèle à certains idéaux nazis, notamment à l'ultranationalisme et à l'antisémitisme, en y adjoignant cependant un fort sentiment anticapitaliste, une approche économique et un ton en apparence proche du socialisme quoiqu'en réalité radicalement antimarxiste (l'approche d'Otto Strasser est explicitement corporatiste et germaniste völkisch).[Pas dans la source] Pour l'historien Joseph Billig, cette proximité avec le socialisme n'est qu'une façade en tant que représentation des « défoulements socialisants de la bourgeoisie nationaliste au désarroi » ; cette proximité peut aussi s'expliquer par le rejet d'Otto Strasser de la théorie du grand homme et de son application microéconomique[note 1], contrairement à la vision d'Hitler[5].
Histoire
modifierOrigines
modifierGregor Strasser rejoint le NSDAP en 1923, rejoint ses plus hauts rangs en 1924, et travaille à partir de 1925 en tant que rédacteur du journal du NSDAP, moment à partir duquel Joseph Goebbels se rapproche des frères Strasser, et est nommé en chef de propagande du parti. À partir de , Gregor Strasser forme la fraction Union de Travail Nord-Ouest (en allemand Arbeitsgemeinschaft Nord-Ouest) au sein du parti, dissoute par Hitler en . Gregor Strasser se sent alors incapable d'influencer l'idéologie du parti pour l'éloigner de l'hitlérisme[5].
Otto Strasser pose les bases de l'idéologie en 1925 dans le Nationalsozialistische Briefe. À partir de 1930, les relations avec Hitler se tendent : selon l'historien Karl Dietrich Bracher, la cause est la critique de Otto Strasser envers Hitler dans Ministersessel oder Revolution sur des bases idéologiques[3], là où pour l'historien Joseph Billig cela démarre lorsque sur ordre d'Hitler, cherchant à mater l'opposition au sein du national-socialisme en vu des élections législatives, la Schutzstaffel empêche Otto Strasser de rejoindre sa réunion avec Goebbels[5].
Le strasserisme perd définitivement de son influence après le bannissement du parti politique des deux frères Front noir en 1933[6],[7].
Postérité
modifierDes groupes de troisième position et d'extrême droite, tels que le GUD ou le Renouveau français en France, ont souvent adopté des positions strasseristes ou y étant assimilables sans nécessairement s'en revendiquer pour autant, pour marquer leur opposition au capitalisme[8]. En Allemagne, les Autonome Nationalisten et le parti d'extrême droite Der III. Weg se réclament strasseristes[réf. nécessaire].
Notes et références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Strasserism » (voir la liste des auteurs).
Notes
modifier- ↑ Discussion au cours de laquelle Hitler rejette des politiques de nationalisation industrielle proposées par Otto Strasser[5] :
« Hitler : Vous anéantissez le progrès de l’humanité, ce progrès qui n’est dû qu’aux efforts de l’individu, des grands savants, des grands inventeurs.
Otto Strasser : Je ne crois pas à ce progrès Monsieur Hitler, l’homme n’a pas changé depuis 1 000 ans… Croyez-vous que Gœthe eût été plus heureux, s’il avait pu se promener en automobile, ou Napoléon s’il avait pu se servir de la T.S.F. ?
Adolf Hitler : Théorie, pure théorie, l’humanité est en progrès et ce progrès n’est obtenu que par l’action des personnalités éminentes. »
Références
modifier- ↑ C.T. Husbands, 'Militant Neo-Nazism in the Federal Republic of Germany' in L. Cheles, R. Ferguson & M. Vaughan, Neo-Fascism in Europe, 1992, p. 98.
- ↑ Ian Kershaw, Hitler: A Profile in Power, first chapter (London, 1991, rev. 2001).
- Karl Dietrich Bracher, The German Dictatorship, 1973, p. 230-1
- ↑ Ernst Nolte, Three Faces of Fascism: Action Française, Italian fascism, National Socialism, New York, Mentor, , 425–426 p..
- Joseph Billig, chap. 3-A « La mise au pas du « strasserisme » et de la SA », dans L'hitlérisme et le système concentrationnaire, Presses Universitaires de France, (ISBN 9782705928964)
- ↑ (de) Deutsche Biographie, « Straßer, Otto - Deutsche Biographie », sur www.deutsche-biographie.de (consulté le )
- ↑ (en) Volker Ullrich, Hitler: Ascent: 1889–1939, (ISBN 978-1-101-87205-5), p. 228
- ↑ (en) Roger Griffin, The Nature of Fascism, London New York, Routledge, , 249 p. (ISBN 978-0-415-09661-4, OCLC 895544448, lire en ligne), p. 166.