![]() » N�ud (sens math�matique) | Isotopie, �quivalence | Classification | Invariants , Invariants polynomiaux | N�ud de Conway | Tresses, Entrelacs |
Les n�uds entrelac�s sont utilis�s depuis de nombreux si�cles dans les arts graphiques et architecturaux ainsi qu'en orf�vrerie. Les arts celtique (d�s 500 ans avant J.-C.), gr�co-romain et, tout particuli�rement, arabe (d�s le 8� si�cle) en firent grand usage. On en rencontre �galement dans des enluminures complexes dans des �ditions anciennes de la Bible et du Coran (» r�f.19&20).
Mosa�que entrelac�e, palais de l'Alcazar
(S�ville) fournie gracieusement par TripAdvisor
Le premier math�maticien � s'int�resser aux n�uds semble �tre Alexandre Vandermonde dans un petit trait� Remarques sur les probl�mes de situation (1772) annon�ant une nouvelle et fondamentale branche des math�matiques : la topologie. Il reprend l� un essai de Leibniz, Geometria situs (1679), une g�om�trie de situation o� ce dernier cherche � �tudier les propri�t�s des figures math�matiques selon leurs seules positions relatives dans l'espace ind�pendamment de l'aspect m�trique et analytique.
Mais c'est avec Gauss que les concept th�oriques de n�uds et d'entrelacs (en tant que r�union de n�uds disjoints) apparaissent en 1833 dans un m�moire sur l'�lectromagn�tisme compl�t� en 1844 avec la collaboration d'un de ses �tudiants, Johann Listing (� qui l'on doit le terme topologie), o� il montre que le nombre d'entrelacements de deux n�uds orient�s (on y d�finit un sens de parcours) peut se calculer au moyen d'une int�grale (» r�f.5, page 52).
Cependant, l'étude mathématique des nuds est apparue tout particulièrement dans la seconde moitié du 19è siècle lorsque des physiciens, dont William Thomson, alias Lord Kelvin, imaginèrent des modèles de structure moléculaire : avec les progrès de la chimie et de la physique, les atomes "crochus" de Démocrite ne suffisaient plus � expliquer la structure intime de la matière.
i William Thomson (1824-1907), alias Lord Kelvin (1892), c�l�bre physicien �cossais (th�orie de la chaleur, magn�tisme, �lectricit�). Professeur � Glasgow. On lui doit en particulier le calcul du z�ro absolu (-273,16�C) et les degr�s portant son nom.
Dans les ann�es 1860, avec un des ses �tudiants, Peter Guthrie Tait (1831-1901), Thomson imagine un mod�le atomiste, dit des atomes tourbillonants (vortex atoms) o� les molécules (agr�gats d'atomes) seraient de nature ondulatoire : elles feraient des entrelacs pour constituer un ensemble cohérent et structur�.
Ce bel
entrelacs date du 4� si�cle. Il provient de la Villa romaine du Casale (Piazza
Armerina, Sicile).
Source :
http://matematica-de-los-nudos.blogspot.fr/
Cette conception, pouvant expliquer de nombreux ph�nom�nes, int�ressa les physiciens de l'�poque et, afin de la valider, il �tait n�cessaire de d�nombrer les diff�rents types d'agr�gats. Ce fut, durant plusieurs ann�es, le travail de Tait publi� � Londres en 1898. Il fallut attendre un demi si�cle (1913) pour voir apparaitre un nouveau mod�le, aujourd'hui incontest� : l'atome de Bohr portant le nom du physicien danois Niels Bohr (1885-1962) :
Petite incursion dans le monde de la physique : »
Afin d'aider les physiciens, les mathématiciens commencèrent à étudier et classifier le concept abstrait de nud en tant que courbe de l'espace. Les math�maticiens allemands Dehn et Tietze contribu�rent au d�veloppement de cette nouvelle branche math�matique dans les ann�es 1910 en s'appuyant sur la topologie combinatoire, appel�e aujourd'hui topologie alg�brique, pour la classification de ces courbes particuli�res et, mais dans une moindre mesure, sur la g�om�trie diff�rentielle si l'on consid�re un n�ud en tant que vari�t� de R3.
La théorie des n�uds (en anglais, knot theory) vit ainsi le jour et on attribue au math�maticien allemand Kurt Reidemeister (1893-1971), alg�briste et sp�cialiste en topologie combinatoire, alors professeur � Konigsberg, le premier trait� exclusivement consacr� � cette nouvelle th�orie (Knottentheorie, 1928).
i Kurt Reidemeister (1893-1971), math�maticien allemand, alg�briste, sp�cialiste en topologie alg�brique, il �tudia � Hambourg et obtint son doctorat sous la direction de Erich Hecke (1921). Reidemeister fut professeur � K�nigsberg d�s 1925 mais, oppos� au pouvoir nazi, son poste lui fut retir� en 1933. Il put cependant continuer d'enseigner � Marburg (pr�s d'Heidelberg). Apr�s la guerre, reidemeister fut invit� � Princeton (1948-50) et rejoignit ensuite son poste � Marburg avant d'�tre nomm� en la prestigieuse universit� de G�ttingen. Un invariant en topologie alg�brique porte son nom (» r�f.21).
➔
Plus récemment, cette
théorie, ainsi que la théorie
des tresses qui lui est associ�e, initi�e
par E. Artin d�s les ann�es 1920
(»
r�f.14&15), voient une
application inattendue avec la repr�sentation (1953) de l'ADN par l'anglais Francis Crick
(1916-2004) et l'am�ricain James Dewey Watson (1928-), colaur�ats du prix Nobel
de physiologie 1962, dont le d�sormais c�l�bre
mod�le de structure h�lico�dale est repr�sent� par une double hélice
s'enroulant sur elle-même.
� ADN d�signe l'Acide D�soxyriboNucl�ique, une mol�cule complexe (macromol�cule) pr�sente dans toutes les formes de vie sur Terre et correspondant � la signature g�n�tique d'un individu, groupe d'individus et esp�ce.
En savoir plus sur l'ADN : Laboratoire de physique statistique, ENS : » | Wikip�dia : »
La th�orie des n�uds, d'aspect
quelque peu ludique a priori, est en fait fort complexe ! Elle fut et fait
encore l'objet d'�tudes dans de nombreux pays, comme aux Etats-Unis (»
James
Alexander, Vaughan
Jones, Lee Neuwirth, John
H. Conway,
Jones W. Milnor), en Russie
(Alexei
Sossinsky,
»r�f.1) et en France dans
différents laboratoires de recherches tant
mathématiques que physique ou biochimiques comme P. Dehornoy à Caen, J.P.
Sauvage � Strasbourg
(» r�f.14).
Ce superbe n�ud est
emprunté à Robert Scharein :
http://www.knotplot.com.
Vous pouvez t�l�charger la version
d'�valuation
de ce logiciel et/ou acheter la version compl�te.
Qu'est-ce qu'un n�ud au sens math�matique ? : |
Nous dirons provisoirement, qu'un n�ud est une courbe dans l'espace 3D, ferm�e, continue et sans point double. Avant d'en donner une d�finition plus pr�cise, nous allons pr�senter des interpr�tations physiques concr�tes. On ne doit cependant pas oublier dans cette approche qu'un n�ud est un objet math�matique dont l'�tude et la th�orie ne tiendra compte ni de sa mati�re, ni de sa forme ni de ses dimensions dans les trois directions de l'espace, mais seulement de ses caract�ristiques topologiques.
On obtient concr�tement un n�ud en partant d'un bout de ficelle, segment de corde, auquel on fait subir des d�formations (croisements, enroulement, n�uds au sens usuel) et en raboutant au final le bout de ficelle emm�l�e par les deux extr�mit�s. Le n�ud repr�sent� ci-dessous � droite � la mani�re d'un n�ud de chaussure (repr�sent� � gauche), parfois qualifi� de n�ud simple, dont on "raboute" les extr�mit�s, est appel� n�ud de tr�fle (trois croisements).
Premi�re notion d'isotopie :
En tant que courbe ferm�e sans point double, le cercle fait partie de la th�orie math�matique des n�uds : on le nomme n�ud trivial. Les quatre n�uds ci-dessous sont math�matiquement �quivalents : on dit plus exactement qu'ils sont isotopes pour exprimer que l'on peut passer de l'un � l'autre par des d�formations successives sans les couper (» isotopie).
Les deux n�uds de droite sont �quivalents au cercle, comme un �lastique repli� ou crois� sur lui-m�me. L'interruption du trac� permet de signaler un passage "par-dessus" ou "par-dessous" :
Th�or�me de Fary-Milnor :
En utilisant les moyens sophistiqu�s de la topologie diff�rentielle, le math�maticien hongrois Istvan Fary a prouv� (1949, » r�f.13a) le r�sultat suivant, confirm� par Jones W. Milnor l'ann�e suivante :
Dans l'espace usuel, une courbe gauche ferm�e simple et lisse dont la courbure totale est inf�rieure � 4π est un n�ud trivial.
Par contraposition :
la courbure totale d'un n�ud non trivial est au moins �gale � 4π
» Courbe simple, lisse, ... | Courbure totale
i Istvan Fary, math�maticien hongrois, 1922-1984. Professeur � l'universit� de Californie (Berkeley), il fut un sp�cialiste en g�om�trie alg�brique et topologie alg�brique. Par l�, il s'illustra �galement en th�orie des n�uds. On trouvera sur le site Numdam (» r�f.13b) quelques publications en fran�ais de ce math�maticien.
Diagramme d'un n�ud :
� l'exception du cercle et de ses �quivalents comme l'�toile ci-dessus, la projection d'un n�ud sur un plan est une courbe plane ferm�e pr�sentant des points doubles.
Chaque point double de la courbe correspond en fait � un croisement du n�ud, lorsque celui-ci boucle au-dessus ou au-dessous d'un de ses brins, lesquels correspondent aux arcs de la courbe limit�s par ses points doubles. Les r�gions d'un n�ud correspondent � celles de sa projection plane.
➔ Au vu des exemples ci-dessus, on doit comprendre qu'un seul croisement �quivaut � aucun. Quitte � tenter l'exp�rience, on constatera qu'il n'existe pas de n�ud non trivial � 2 croisements : le plus simple n�ud non trivial est ainsi le n�ud de tr�fle (3 croisements) repr�sent� ci-contre.
Le trisc�le, projection plane du n�ud de tr�fle : »
N�uds & jeux de ficelle :
Les jeux d'enfants d'autrefois (plus vraiment � la mode dans les cours de r�cr�...) consistant � sugg�rer des objets avec un �lastique ou une ficelle rabout�e, illustrent de mani�re plus subtile le concept de n�ud isotope au cercle comme ci-dessous :
♦ La tour Eiffel, vid�o sur le site La R�cr�ative de Sinje Starck :
http://www.larecreative.com/jeu-de-ficelle-la-tour-eiffel/
♦ L'�chelle de Jacob sur le site http://momsminivan.com :
http://www.momsminivan.com/how_to_do_jacobs_ladder.html
http://www.momsminivan.com/how_to_do_jacobs_ladder.html
Au sens math�matique :
Au vu de ces consid�rations et manipulations concr�tes, on pourrait d�finir un n�ud en tant que courbe ferm�e de l'espace (assimil� � R3), sans points multiples et l'identifier � l'image de l'intervalle [0,1]⊂R par une application f de [0,1] dans R3, bijective et continue telle que f(0) = f(1).
Mais afin de se placer dans des conditions optimales pour le d�veloppement de cette th�orie, les math�maticiens pr�f�rent des hypoth�ses plus fortes :
1/ Par convention, le cercle est un n�ud : c'est un n�ud dit trivial (on ne peut plus banal), not� S1 (» sph�re Sn) et consid�r� comme plong� dans l'espace R3; son �quation cart�sienne peut �tre donn�e par x2 + y2 = 1, z = 0 et sous forme param�tr�e, on �crira x = cos(t) , y = sin(t) , z = 0.
2/ Tout n�ud est une courbe de Jordan, image de S1 par un hom�omorphisme f de R3.
L'application f : S1 → R3 est ainsi bijective et continue ainsi que sa r�ciproque. La continuit� assure qu'un n�ud est d'un seul tenant et ferm� (comme le cercle). L'injectivit� assure l'absence de points multiples (courbe simple, le n�ud ne se traverse pas).
a) On ne s'�tonnera pas que f soit bijective : un cercle C peut s'obtenir en refermant un segment S par ses extr�mit�s. Partant du segment S auquel on fait subir des n�uds (au sens courant) et des croisements plus ou moins subtils dans l'espace, que l'on raboute ensuite, on obtient un n�ud "math�matique" en bijection avec S.
b) Afin de d�velopper certains aspects sp�cifiques, certains auteurs (» r�f.5, r�f.6) remplacent l'hom�omorphisme f par un diff�omorphisme, hom�omorphisme contin�ment diff�rentiable, ainsi que sa r�ciproque, condition plus forte : la d�rivabilit� assure qu'un n�ud est une courbe lisse (pas de point singulier, pas de rebroussement) admettant une tangente en tout point. Ce qui conduit � exclure certains n�uds � points limites, n�uds dits sauvages. On peut comprendre le ph�nom�ne au moyen des repr�sentations ci-dessous :
On part de (a) : n�ud de tr�fle. On le n�ud de part et d'autre de sa boucle et on �tire progressivement. Dans cette d�formation continue (e), (f), ... ((g), ..., la boucle disparait et s'assimile � un point limite dont la tangente en ce point est ind�termin�e ! A ce propos, on pourra consulter r�f.1 ou r�f.4a pour l'exemple classique d'un tel n�ud s'interpr�tant comme le compos� d'une infinit� de n�uds de tr�fle s'enroulant dans un c�ne. L'illustration ci-dessous, emprunt�e au site wildandnoncompactknots.wordpress.com illustre clairement la probl�matique :
N�uds isotopes, n�uds �quivalents : |
En tant que courbe ferm�e de l'espace, un n�ud peut �tre d�form� comme on le ferait pour une rallonge �lectrique emm�l�e, en cherchant � minimiser le nombre de croisements en faisant passer une boucle dans une autre ou par dessus ou dessous l'autre sans "couper" le n�ud. Chaque �tape d�forme le n�ud en un n�ud hom�omorphe.
� l'issue des transformations successives, il restera un certain nombre de croisements non r�ductibles et on dira que le n�ud obtenu est isotope au n�ud initial. Le processus �tant r�versible (on peut r�emm�ler...), au lieu de � K1 est isotope � K2 � , K comme knot bien s�r..., on dira � K1 et K2 sont isotopes � : on d�finit ainsi implicitement une relation d'�quivalence entre les n�uds (on y reviendra plus loin).
L'isotopie, puisqu'il faut l'appeler par son nom..., entre deux n�uds K1 et K2 s'apparente ainsi � une d�formation continue de l'un � l'autre. Mais ce n'est pas un hom�omorphisme h de R3 tel que h(K1) = K2 qui rangerait tous les n�uds dans une unique classe d'�quivalence, celle du cercle S1 !
Connexit� et homotopie : »
➔ Il est clair que le n�ud de tr�fle, appelons-le K3 (K comme knot), le plus �l�mentaire des n�uds hormis le n�ud trivial S1 auquel il est hom�omorphe par d�finition, n'est pas isotope � ce dernier : il faudrait que K3 se "traverse" en l'un de ses croisements afin de pouvoir le "tordre" et obtenir le cercle.
En tant que courbes continues de l'espace R3, deux n�uds N1 et N2 admettent une repr�sentation param�tr�e d�finie ci-dessous respectivement par φ et ψ :
φ : t → (x1(t), y1(t), z1(t)) et ψ : t → (x2(t), y2(t), z2(t)), t∈[α,β]⊂R
Les n�uds N1 et N2 de R3 sont dits isotopes ou de m�me type d'isotopie s'il existe une application continue h de [α,β] × [0,1] dans R3 telle que :
a/ h(t,0) = φ(t) , h(t,1) = ψ(t);
b/ l'application t → hu(t) = h(t,u), t∈[α,β] d�finit un n�ud Nu pour tout u de [0,1];
Cette derni�re condition exprime en particulier que t → hu(t) est injective et continue. On "passe" ainsi contin�ment de φ � ψ.
On peut expliciter hu en posant, pour tout u de [0,1] : hu(t) = (X(t,u), Y(t,u), Z(t,u)) avec h0 = φ et h1 = ψ, on a :
X(t,0) = x1(t), Y(t,0) = y1(t), Z(t,0) = z1(t);
X(t,1) = x2(t), Y(t,1) = y2(t), Z(t,1) = z2(t).
et les fonctions X, Y et Z sont des fonctions continues de t sur [α,β].
On remarque que h'u = h1-u v�rifie pour tout t : h'0(t) = h1(t) = h(t,1) = ψ(t) et h'1(t)= h0(t) = h(t,0) = φ(t) : en cons�quence, et comme on pouvait s'y attendre, la relation R d�finie par
N1 R N2 ssi � N1 et N2 ont m�me type d'isotopie �
est sym�trique et on montrera ais�ment que R est une relation d'�quivalence. Cette d�finition d'une isotopie relative aux n�uds est semblable � celle rencontr�e dans le concept de d'homotopie des chemins et lacets. Elle va nous conduire � celle des n�uds �quivalents. Mais tout d'abord :
N�uds miroirs :
♦ Ces deux n�uds de tr�fle se correspondent dans une r�flexion, sym�trie par rapport � un plan, comme (x,y,z) → (x,y,-z). Autrement dit, si vous placez le n�ud de gauche devant un miroir, vous observerez le n�ud de droite (un brin vu "dessus" un autre est vu "dessous", et vice-versa). Un n�ud isotope � son image miroir est dit amphich�ral (du grec amphi = des deux c�t�s) et de cheiron = main).
N�ud de tr�fle gauche (class� 31*) et son image par r�flexion, n�ud de tr�fle droite (class� 31)
! Ne confondez pas image par r�flexion (sym�trie par rapport � un plan) et retournement (dans l'espace) qui est une rotation d'angle 180� autour d'un axe.
En particulier, par retournement, le n�ud en 8 (ci-dessous) et le n�ud de tr�fle sont invariants !
♦ Un m�me nombre de croisements pour deux n�uds apparemment distincts pourrait laisser penser qu'ils sont isotopes. Ce n'est pas le cas : cette condition n�cessaire n'est pas suffisante. Le n�ud de tr�fle ci-dessus (3 croisements) est un exemple �l�mentaire de n�uds non isotopes avec un m�me nombre de croisements (irr�ductibles) : celui de gauche n'est pas isotope � celui de droite. Vous ne pourrez pas passer de l'un � l'autre par d�formation continue ! il vous faudra couper la ficelle... Ils ne sont donc pas �quivalents.
♦ Le n�ud en huit poss�de 4 croisements (irr�ductibles). Par r�flexion, il semble lui aussi non isotope � son image. Mais il n'en est rien : il lui est isotope : on peut s'en convaincre en le "fabricant" avec un bout de ficelle ou de laine :
Faites un 8 comme on le voit ci-dessous � gauche, faites passez l'extr�mit� droite dans la boucle sup�rieure "dessus-dessous" et raboutez l'extr�mit� gauche (avec un petit morceau de scotch de bureau). Manipulez ensuite ce n�ud en 8 afin d'obtenir le second (si un 5�me et faux croisement fait son apparition, retournez la boucle fautive, vous devriez �tre proche du r�sultat...
N�ud en 8 � gauche (41) et son image dans
un miroir � droite
Un tel n�ud, isotope � son image par r�flexion, est dit r�flexif.
N�uds �quivalents :
On dit que deux n�uds sont �quivalents pour exprimer qu'il sont isotopes � une r�flexion pr�s :
Le difficile probl�me de la classification des n�uds : |
Trois probl�mes fondamentaux se pr�sentent :
1. Un n�ud est-il effectivement nou� ? Ses croisements sont-ils r�ductibles ou non ? importante question car un n�ud apparemment complexe se d�noue parfois tr�s simplement comme ci-dessus. On peut aussi penser aux n�uds marins, aux fils de p�che, aux rallonges �lectriques ou aux tuyaux d'arrosage...
2. D�terminer si deux n�uds d'apparence distincte ne sont pas en fait �quivalents quitte � les d�former : ci-dessous, ce n�ud de tr�fle et le double huit (� droite), d'apparence distincte, sont isotopes : on obtient l'un par d�formation continue (sans couper ni rabouter) de l'autre. Faites l'exp�rience avec une ficelle. Dans les tables de classification des n�uds, le double huit n'appara�t pas : �tant dans la m�me classe d'�quivalence, il est fait choix du n�ud de tr�fle not� "31".
3. Peut-on classer les n�uds eu �gard � des propri�t�s caract�ristiques invariantes ne d�pendant donc pas des d�formations appliqu�es aux n�uds �voqu�es ci-dessus ?
Apr�s un si�cle et demi de recherches, ce probl�me n'est aujourd'hui que partiellement r�solu. Peter Guthrie Tait eut le premier l'id�e de consid�rer la projection d'un n�ud (en tant que courbe de l'espace) sur un plan convenablement choisi, c'est � dire respectant le nombre de croisements. On parle du diagramme d'un n�ud. Pas �vident, car deux n�uds (points de R3) peuvent avoir la m�me projection et, par d�formation, deux projections d'un m�me n�ud peuvent diff�rer.
N�uds altern�s :
Mettant en �uvre cette id�e, il se lan�a tout d'abord dans la classification des courbes planes � points multiples en se limitant � 10 croisements au plus. Tache �norme ! Comme le remarque A. Sossinsky (» r�f.1), 10 croisements peuvent conduire � 210 = 1024 n�uds possibles : en parcourant le n�ud, on peut passer "sur" ou "sous" un brin existant, donc 2 × 2 × 2... × 2 = 1024 cas possibles. Tait se limita alors � des n�uds dits altern�s : pour lesquels le parcours conduit alternativement � passer "sur" puis "sous" un brin existant ou vice-versa, ce qui limite � 2 cas pour chaque courbe �tudi�e.
Ce
n�ud n'est pas altern�.
Cette limitation ne simplifie que partiellement le probl�me car � un nombre donn� n de croisements correspond un nombre de n�uds non isotopes croissant exponentiellement avec n : pour n = 5, on peut facilement v�rifier qu'il n'y a que deux n�uds altern�s non isotopes, mais ce nombre augmente tr�s vite, on le verra au paragraphe suivant.
Les deux n�uds altern�s non isotopes � 5 croisements vus par
KnotPlot (r�f.18)
N�uds compos�s, mono�de unitaire des n�uds et n�uds premiers :
Dans le classement des n�uds, on �limine �galement les n�uds compos�s, c'est � dire des n�uds apparaissant comme r�sultant d'un chainage de deux ou plusieurs n�uds. Ci-dessous, on a "coup�" deux n�uds A et B et s�par� les extr�mit�s ainsi cr��es. Si l'on raboute (a) � (b) et (a') � (b'), on obtient un nouveau n�ud dit compos� de A et B et not� A#B.
fig.8
fig.9
On peut parler du compos� de A et B plut�t que du compos� de A par B car cette loi de composition des n�uds est commutative : A#B = B#A, cette �galit� d�signant une �galit� de classes d'�quivalence au sens isotopique. Une preuve �l�mentaire par manipulation (source r�f.1) consiste � "agrandir" les r�gions du n�ud A de la figure 8 ci-dessus, "r�duire" les boucles de B, rabouter les brins (a) � (b) et faire glisser les boucles du n�ud B le long de (b) puis de (a).
➔ On se convaincra de la possibilit� de faire glisser les boucles d'un n�ud le long d'un brin en fabricant un n�ud avec un bout de ficelle...
Une fois "sorti" sur le brin (a'), on raboute (a') � (b'). Le n�ud B est ainsi "� gauche" du n�ud A. Les d�formations ainsi effectu�es sont des compos�es d'isotopies. On obtient ainsi un n�ud B#A isotope � A#B.
La composition des n�uds est manifestement associative : (A#B)#C = A#(B#C). Elle admet un �l�ment neutre, � savoir le n�ud trivial (isotope � un cercle). En effet, notons-le U : on a A#U = U#A = A car cela consiste � composer avec un brin non nou�.
Par contre, on conviendra facilement qu'un n�ud autre que le n�ud trivial n'admet pas de sym�trique pour la loi # : �tant donn� un n�ud A distinct de U (non isotope � U) , il n'existe aucun n�ud A' tel que A#A' = A'#A = U. L'ensemble des n�uds muni de la loi # n'est donc pas un groupe mais seulement un mono�de unif�re.
N�uds premiers :
Eu �gard � la loi # de composition des n�uds, on est amen� � �tudier les n�uds compos�s et constater que certains ne le sont pas. Pr�cisons cela :
Tout n�ud A non trivial admet-il deux n�uds non triviaux B et C tels que A = B#C ?
La r�ponse est non. Un exemple simple est donn� par le n�ud de tr�fle d�j� plusieurs fois cit�. Il en est de m�me des n�uds � 4 et 5 croisements �galement d�j� �voqu�s. < a href="#tait">Tait consacra de nombreuses ann�es � la classification des n�uds premiers selon leur nombre minimal de croisements (on dit plus simplement leur ordre). Pour n = 6, on distingue 3 cas, pour n = 7 → 7 cas, pour n = 8 → 21 cas, pour n = 9 → 49 cas, pour n = 10 → 165 cas, pour n = 11, 552 cas, pour n = 12, 2176 cas.
Table partielle des n�uds premiers altern�s, source :
KnotPlot (r�f.18)
➔ Un des int�r�ts majeurs du concept de n�ud premier est que l'on pourra restreindre l'�tude d'un n�ud aux n�uds premiers qui le composent car la loi # est compatible avec la relation d'isotopie R, c'est � dire :
Si A R A' et B R B', alors (A#B) R (A'#B')
Quelques remarques :
Si k(n) d�signe le nombre de n�uds premiers d'ordre n, il a �t� montr� r�cemment (1987) l'encadrement :
Cette loi de composition des n�uds est � rapprocher de la multiplication des entiers naturels pour laquelle seul l'entier 1 (�l�ment neutre) est inversible et du concept d'entier premier. A ce propos, le math�maticien allemand Horst Schubert (1919-2001), alors professeur � Heidelberg a montr� (Die eindeutige Zerlegbarkeit eines Knotens in Primknoten, Unicit� de la d�composition des n�uds en n�uds premiers, 1949) que la d�composition d'un n�ud en un produit (au sens de la loi #) de n�uds premiers est unique.
L'ordre (nombre minimal de croisements) d'un n�ud compos� est la somme des ordres des n�uds premiers qui le composent.
Invariants de n�uds, une aide � la classification : |
Le mod�le de l'atome de Bohr (1913), adopt� par les physiciens du monde entier met un point final aux mod�le atomiste fond� sur la th�orie des n�uds. Comme il a �t� dit en introduction, celle-ci retrouvera une notori�t� inattendue en 1953 avec la d�couverte de l'ADN. Mais les math�maticiens ne l'ont jamais abandonn�e. Le travail de Tait, purement descriptif, n'apporte pas une r�ponse satisfaisante au probl�me de la classification :
Deux n�uds �tant donn�s, existe-t-il un algorithme ou un crit�re permettant de dire qu'ils sont isotopes ?
En 1926, afin de clarifier la situation, Reidemeister r�utilise les diagrammes plans de Tait et montre qu'il existe trois transformations de ces diagrammes permettant de les simplifier et, par l�, d'obtenir dans l'espace, au bout d'un nombre fini de ces transformations, un n�ud isotope au n�ud initialement projet�. On parle aujourd'hui des trois mouvements de Reidemeister, � savoir :
R1 : cr�ation/suppression d'une boucle;
R2 : cr�ation/suppression de deux croisements dits jumeaux (dessus-dessus ou dessous-dessous);
R3 : d�placement d'un brin passant au-dessus ou au-dessous d'un croisement
Mais le probl�me peut malgr� tout rester ardu si le n�ud �tudi� est tr�s nou�, d'o� la recherche d'un outil plus convaincant :
La notion d'invariant :
On appelle invariant d'un n�ud K tout objet math�matique propre � la classe d'isotopie de K : il reste invariant par d�formation isotopique. Ce peut �tre un nombre, un polyn�me, une matrice, un d�terminant, un groupe, ...
Le plus simple des invariants connus est le nombre minimal de croisements qui servit � la classification de Tait.
Dans le cas de l'invariant �gal au nombre minimal de croisements : le n�ud de tr�fle class� 31 et le n�ud en 8 class� 41 ne sont pas isotopes. Il en est de m�me des deux n�uds 51 et 52 ayant cependant le m�me nombre de croisements.
D'une fa�on g�n�rale, si deux n�uds ont des invariants de m�me type diff�rents, alors ces n�uds ne sont pas �quivalents. Cependant, pour un type d'invariant donn�, deux n�uds ayant m�me invariant ne sont pas n�cessairement �quivalents. On dit de ce type d'invariant qu'il n'est pas complet.
L'invariant des 3 couleurs de Fox :
i Ralph Hartzler Fox (1913-1973) est un math�maticien am�ricain, dipl�m� de l'universit� de Princeton (1939) puis professeur en cette universit�, sp�cialiste en topologie diff�rentielle, th�orie de l'homotopie et des espaces fibr�s. Il doit sa notori�t� � ses recherches et publications sur la th�orie des n�uds en collaboration avec un des �tudiants Richard Henry Crowell dont il dirigea la th�se en (Invariants of alternating link types, 1955). Il fut �galement le directeur de th�se de John Milnor (m�daille Fields 1962) et de Lee P. Neuwirth (Knot groups, 1959).
Un n�ud est dit tricolorable (anglicisme) si l'on peut colorier son diagramme plan sous les conditions suivantes :
Chaque brin (arc compris entre deux croisements cons�cutifs) est colori� avec une seule des trois couleurs;
Deux couleurs au moins sont utilis�s;
A chaque croisement, un brin correspondant � un passage sur un autre ne change pas couleur;
A chaque croisement, ou bien une seule couleur est utilis�e ou bien les trois le sont.
La tricolorabilit� est compatible avec les mouvements de Reidemeister. Elle est ainsi un invariant de n�uds.
Le n�ud de tr�fle est tricolorable :
Le n�ud en 8 ne l'est pas, la r�gle 1 obligerait � utiliser 4 couleurs :
Groupe d'un n�ud : |
Au d�but du 20� si�cle, le g�om�tre allemand Max Dehn avait montr� qu'un n�ud K, consid�r� en tant que courbe de l'espace, peut s'interpr�ter comme le bord d'une surface et que le groupe de Poincar� du compl�mentaire de K dans R3, � savoir π1( R3 - K) appel� groupe du n�ud est un invariant de K.
Exemple : un n�ud est trivial si et seulement si son groupe est isomorphe � Z.
Deux n�uds sont alors isotopes si leurs groupes sont isomorphes mais cela ne simplifie pas vraiment le probl�me car il est tout aussi difficile de prouver l'isomorphie entre les groupes. Il fallait exhiber un type d'invariant plus pratique � mettre en �uvre :
Les invariants polynomiaux : |
L'expos� de ces algorithmes, dont (h�las) aucun n'est totalement discriminant, n'est pas simple. Pour une mise en �uvre rigoureuse, ils n�cessitent la mise en place de nombreux r�sultats pr�liminaires. Le lecteur int�ress� pourra consulter les liens donn�s in fine, dont les articles sont r�dig�s par les inventeurs m�mes de ces polyn�mes ou des sp�cialistes de la question. En voici quelques �l�ments et les r�f�rences des liens associ�s :
Le polyn�me Δ d'Alexander :
Une dizaine d'ann�es plus tard, dans les ann�es 1920, James Alexander, professeur � Princeton, �tudie les n�uds et entrelacs avec le concours d'un de ses �tudiants Garland B. Briggs. Ils publieront en commun la th�se de ce dernier : On types of knotted curves (1927, r�f.8a).
i Garland Baird Briggs (1894-1959) �tait un math�maticien am�ricain, �l�ve de James W. Alexander � Princeton, dont la th�se On types of knotted curves (1926) fut dirig�e par ce dernier.
On types of knotted curves, par J. Alexander &
G. B. Briggs
(r�f. 8a)
Quelques mois plus tard, Alexander d�couvre un type d'invariant polynomial (Topological invariants of knots and links, 1927, r�f.8b), d�terminant x→Δ(x) d'une matrice en x caract�risant le n�ud, construite sur le nombre et le type (dessus-dessous) de croisements du n�ud. Plus performant que l'invariant de Tait, il est cependant non complet : � partir de l'ordre 9 deux n�uds ayant le m�me polyn�me d'Alexander peuvent �tre non isotopes.
Pierre Tougne, chercheur au CNRS, (» r�f.2), nous apprend que cette d�faillance fut observ�e pour la premi�re fois en 1957 par le math�maticien japonais Shin'ichi Kinoshita (1925-) qui s'aper�ut qu'un n�ud d'ordre 11 avait m�me polyn�me d'Alexander que le n�ud trivial : Δ(t) = 1 ! De plus, cet invariant ne distingue pas les n�uds miroirs comme les tr�fles gauche et droit.
i Shin'ichi Kinoshita (1925-), math�maticien japonais qui �tudia sous la houlette de Hidetaka Terasaka (1904-1996), sp�cialiste en topologie, professeur � l'universit� d'Osaka. Il consacra une partie de ses recherches � la th�orie des n�uds. Le n�ud d'ordre 11 �voqu� ci-dessus, class� K11n42, est aujourd'hui appel� n�ud de Kinoshita-Terasaka (» r�f.16b). Il est le mutant du n�ud de Conway.
Le polyn�me ∇ de Conway :
Utilis� par John Conway qui en pr�sente un usage pratique simplifi� (An enumeration of knots and links, and some of their algebraic properties, 1967/1969, r�f.9), l'invariant d'Alexander sera la r�f�rence pendant pr�s de 60 ans. En consid�rant les n�uds en tant que courbes orient�es de R3 (on d�finit un sens de parcours), Conway en donnera (1986) une version plus simple et plus efficace, souvent appel� polyn�me d'Alexander-Conway, not� ∇ (» r�f.4a, r�f.1, pages 93 et suivantes). Il r�ussit � �num�rer les n�uds jusqu'� l'ordre 11. Le n�ud K11n34, mutant de celui de Kinoshita-Terasaka, porte son nom et poss�de le m�me polyn�me de Jones :
Le polyn�me ∇ (ou V) de Jones :
Ce polyn�me fut d�couvert en 1985 par le math�maticien n�oz�landais Vaughan Jones, dans ses travaux en m�canique statistique et alg�bres de von Neumann, un domaine li� � la m�canique quantique des champs o� les invariants de n�uds ne semblaient pas intervenir a priori. Son m�moire sur le sujet fut �dit� par l'AMS : A polynomial invariant for knots via von Neumann algebras, vol 12, 1985, p. 103-111 (» r�f.1, ch.6, r�f.4a, r�f.2, pages 76-79, article de Vaughan Jones, pages 98-103).
i Vaughan Frederick Randal Jones (1952-2020) : math�maticien n�oz�landais, dipl�m� de l'universit� de Gen�ve, titulaire d'un doctorat portant sur les groupes finis (1979) sous la houlette d'Andr� Haefliger (1929-), sp�cialiste en topologie alg�brique, un ancien �tudiant (1958) de Charles Ehresman. L'ann�e suivante, Jones Vaughan s'installe aux �tats-Unis et enseigne � l'universit� de Pennsylvanie avant d'obtenir un poste d�finitif � Berkeley (univ. de Californie). En 1990, � Kyoto (Japon) il re�oit, une des quatre m�dailles Fields mettant � l'honneur cette ann�e l� d'�minents travaux en m�canique quantique, dont ceux de Edward Witten voyant en la th�orie des n�uds un outil prometteur dans ses travaux en th�orie quantique des champs.
Autre invariant polynomial :
Crochet et polyn�me de Kaufmann : » r�f.1, ch.6 & r�f.12
Invariants de Vassiliev :
En 1989, le russe
Victor Vassiliev applique la th�orie des catastrophes � la th�orie des n�uds :
puisqu'un n�ud ne peut se traverser, on va l'y forcer... : un croisement devient
point double, c'est la "catastrophe", c'est � dire ici une
singularit� pour la courbe, puis le brin qui
�tait "dessus" passe "dessous" ou vice-versa. Ci-contre,
dans le cas du n�ud de tr�fle, ce dernier devient trivial en le tordant apr�s la
catastrophe !
i Victor Vassiliev (1956-), math�maticien russe, �l�ve de Vladimiu Arnold, professeur � l'Institut Steklov de Saint-Petersbourg. Sp�cialiste de la th�orie des catastrophes (» Arnold, Thom).
➔ On d�montre que tout n�ud peut se transformer en le n�ud trivial en lui faisant subir une suite finie de telles inversions de croisements. Ce r�sultat permet de construire un invariant dont l'algorithme est d�crit en r�f.1, ch7 et r�f.12.
Surfaces de Seifert, genre d'un n�ud:
Le math�maticien allemand Herbert Karl Seifert compl�te les premiers r�sultats d'Artin concernant les n�uds et entrelacs en tant que bord d'une surface ferm�e de R3. Il montre (�ber das Geschlecht von Knoten = Sur le genre des n�uds, 1934) que tout n�ud peut �tre associ� � une surface de R3 dont il est le bord mais ce r�sultat �tait d�j� connu de Pontriaguine (Ein Knotensatz mit Anwendung auf die Dimensions Theorie, 1930) dans ses travaux en th�orie de la dimension. Mais, l� encore, il y a incertitude : cette association n'est pas unique car des surfaces non hom�omorphes peuvent avoir le m�me bord. Tout comme le n�ud qu'elle caract�rise, ces surfaces, dites de Seifert, sont connexes, compactes et orientables (ce qui n'est pas le cas du ruban de M�bius) et ne se traversent pas.
L'apport de Seifert en th�orie des n�uds se situe dans :
La description de l'algorithme conduisant � la surface orientable dont un n�ud ou entrelacs donn� est le bord;
La facilitation dans le calcul d'invariant polynomial par le biais de la matrice de Seifert (» r�f.4a, r�f.7);
La classification par le genre d'un n�ud d�fini via le genre de la surface de Seifert associ� (» r�f.24&25).
i Herbert Karl Seifert (1907-1996), math�maticien allemand, sp�cialiste en topologie et plus sp�cialement celle des espaces fibr�s. Il soutint sa premi�re th�se de doctorat � Dresde (1930) aupr�s de William Threlfall (1888-1949). Il c�toie Hopf et Alexandrov � G�ttingen puis van der Waerden � Leipzig qui dirigea son second doctorat (1932).
Surface de Seifert du n�ud � 5 croisements class�
52. Une vid�o
YouTube
de Mustapha Hajij
N�uds mutants, n�uds de Conway et de Kinoshita-Tarasaka :
Un n�ud K �tant repr�sent� par son diagramme plan, intersectons K avec un cercle (ou toute courbe hom�omorphe) de sorte, lorsque cela est possible, d'obtenir quatre (et seulement quatre) points d'intersection. Par rotation de 180� ou par sym�trie axiale, on obtient un nouveau n�ud K' en raccordant convenablement les brins. On parle de n�uds mutants.
On pourrait penser que cette transformation ne change que peu les propri�t�s de K' relativement � K. Il n'en est rien. Le n�ud de Conway � 11 croisements catalogu� K11n34 (» Knot atlas) est le mutant du n�ud de Kinoshita-Terasaka K11n42 (» Knot atlas) :
Ces n�uds, qui ont m�me polyn�me d'Alexander, de Jones et de Conway ne sont cependant pas isotopes. La preuve a �t� apport�e en septembre 2018 par la jeune math�maticienne am�ricaine Lisa Piccirillo, dans un court m�moire de six pages, apr�s 50 ans de vaines �tudes du probl�me entam�es par Conway en 1970 lors de sa classification des n�uds � 11 croisements. Le r�sultat de Lisa Piccirillo a �t� v�rifi� et valid� l'ann�e suivante et publi� en f�vrier 2020.
i Lisa Piccirillo (1997-) : apr�s des �tudes de math�matiques au Boston College (Massachussetts), elle qui a obtenu son doctorat en topologie � l'universit� du Texas (Austin) en 2019. � Plus d'infos sur ses travaux en r�f.23b.
Au-del� de 9 croisements, l'�tude des n�uds est tr�s ardue. On les voit comme plong�s dans l'espace � quatre dimensions en tant que bord d'une section lisse (vari�t� diff�rentielle), on parle aussi de tranche ou de n�ud bordant d'une surface de R4 hom�omorphe � une sph�re... nou�e ! Difficile � imaginer...
Dans R3, notre espace usuel � 3 dimensions, aucun n�ud autre que le n�ud trivial ne peut �tre le bord d'une section de la sph�re usuelle (� deux dimensions). Lisa Piccirillo a montr� par une m�thode innovante que le n�ud de Kinoshita-Terasaka, de genre 2, s'interpr�te comme une tranche mais qu'il n'en est pas de m�me du n�ud de Conway, de genre 3. Ce tr�s difficile sujet, qui a permis � la jeune math�maticienne d'obtenir un poste au Massachussetts Institute of Technology, est abord� dans un article de la revue QuantaMagazine intitul� Graduate Student Solves Decades-Old Conway Knot Problem (» r�f.23).
Le n�ud de Conway n'est pas bordant
Vid�o YouTube
de Micka�l Launay (univ. Aix-Marseille,
»
r�f.23c)
Les tresses & entrelacs : |
♦ Introduites, en math�matiques, par Artin (d�s 1920) et �tudi�es peu apr�s par Alexander (1923), les tresses sont un outil permettant de répondre plus facilement aux problèmes exposés ci-dessus.
Tout comme dans le sens
commun, une tresse est constituée d'un
ensemble fini de "brins" entrelacés ayant une origine
et une extrémité. L'ordre entre les origines
et les extrémités étant
différents (permutations).
En raboutant les extr�mit�s d'une tresse, on obtient un n�ud. On parle de cl�ture d'une tresse. Alexander utilisa les tresses dans ses recherches sur la classification des n�uds. Il prouva que tout n�ud correspond � une tresse cl�tur�e. Ci-dessus, � droite, cette tresse � deux brins peut �tre cl�tur�e en reliant (b) � (c) et (a) � (d) : on reconnait alors le double huit qui n'est autre qu'un n�ud de tr�fle.
Artin a montr� que les tresses peuvent �tre munies d'une structure de groupe permettant leur classification. On pourra consulter en particulier les r�f�rences 1, 13 et 14 in fine.
♦ Un entrelacs (toujours avec un s final, link en anglais, du latin laqueus = lacet) est, comme au sens usuel ornemental, un ensemble plus ou moins complexe de n�uds non connexes (disjoints) dans R3. En bijouterie, une cha�ne (en or ou non) est un entrelacs de n�uds triviaux (cercles ou toute courbe ferm�e sans point double). Le plus �l�mentaire est l'entrelacs de Hopf :
Fabriqu� par
SeifertView (»
r�f.24c)
On peut associer � cet entrelacs une surface de Seifert rappelant le ruban de M�bius :
Fabriqu� par
SeifertView (»
r�f.24c)
Heinz Hopf et fibration de Hopf : » Entrelacs de J. H. C. Whitehead : »
L'embl�me des Jeux Olympiques est un entrelacs compos� de cinq cercles disjoints deux � deux :
♦ Concernant l'ADN, on a pu observer des entrelacs de forte complexit� que les cellules doivent pouvoir d�nouer lors du processus de division ! Pour ce faire, elle utilise des topo-isom�rases : comme son nom l'indique, il s'agit bien de topologie : en fait des enzymes capables de d�m�ler les entrelacs sans porter atteinte � la formule de l'ADN; lorsque d�nouer devient trop difficile l'enzyme coupe un brin, voire les deux, de l'ADN pour ensuite les ressouder ! Cette solution triviale a permis de lutter contre les cancers au moyen d'un inhibiteur de la topo-isom�rase (camptoth�cine, anthracyline, ...) emp�chant les cellules malades de se reconstituer.
Une belle approche p�dagogique des
tresses, vid�o
YouTube :
https://www.youtube.com/watch?v=3MOvmktCtFU
On pourra visionner les 4 chapitres
Une vid�o
YouTube
:
https://www.youtube.com/watch?v=sitZ0kO3uvg (sous-titres fran�ais)
➔ Pour en savoir plus :
Noeuds, genèse d'une théorie mathématique par Alexei Sossinsky, Ed. du Seuil - Paris - 1999.
La
science des nuds, théorie et applications. Revue
Pour la science, hors série - avril
1997
On peut retrouver cette r�f�rence (en plus complet) aux �ditions Belin
(2002) sur Amazon en neuf et occasion.
Du n�ud gordien � la mol�cule d'ADN,
par J�r�me Dubois, univ. Paris 7 :
http://videocampus.univ-bpclermont.fr/data/svsyyjtxfgldrtfaytvd__transparent.pdf
a/ Th�orie des n�uds, les
invariants polynomiaux, par Annie Jacques (univ. Laval, Canada) :
https://corpus.ulaval.ca/jspui/bitstream/20.500.11794/21368/1/27104.pdf
»
Ce m�moire �voque �galement les matrices de Seifert
b/
A propos des invariants des n�uds,
par Francesco Costantino (IREM, univ. Marseille) :
http://numerisation.irem.univ-mrs.fr/ST/IST08015/IST08015.pdf
c/ Th�orie des n�uds, par Christian Blanchet (univ. Paris-Jussieu) :
https://webusers.imj-prg.fr/~christian.blanchet/enseignement/2009-10/M2/ch2_noeuds.pdf
Une introduction � la topologie, graphes, surfaces et
n�uds, par Yves C. de Verdi�re, Institut Fourier :
https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~ycolver/All-Articles/97a.pdf
Sur les classes d'isotopie des n�uds
tridimensionnels et leurs invariants
par G. Călugăreanu
(univ. Prague) :
http://dml.cz/bitstream/handle/10338.dmlcz/100486/CzechMathJ_11-1961-4_9.pdf
Knots and links (n�uds et
entrelacs)
par Peter R. Cromwell (1964), r��d. 2004 sur Google Livres en lecture partielle :
https://books.google.co.in/books?id=djvbTNR2dCwC
a/ On types of knotted curves,
par James Alexander et G. Baird Briggs :
http://www.maths.ed.ac.uk/~aar/papers/alexbriggs.pdf
b/ Topological invariants of knots and links, par James Alexander :
http://www.ams.org/journals/tran/1928-030-02/S0002-...pdf
c / Un polyn�me pour les n�uds, par Jean gu�rin et Marc Laforest (univ. du
Qu�bec, Montr�al), sur le site Accromath :
http://accromath.uqam.ca/accro/wp-content/uploads/2013/04/noeuds.pdf
d/ Des tresses au kitesurf : Vaughan Jones, texte et vid�o
(interview de V. Jones sur le site Images des Maths du CNRS :
http://images.math.cnrs.fr/Des-tresses-au-kitesurf-Vaughan.html
Knot theory, Invariants, braids in Encyclopedic Dictionary of Mathematics, tome 2 (EDM2), page 872-877
Tricolorability of knots, par Kayla Jacobs (MIT) :
http://ocw.mit.edu/courses/mathematics/18-304-undergraduate-seminar-in-discrete-mathematics-spring-2006/projects/jacobs_knots.pdf
N�uds et invariants de Vassiliev, par Florent
Mayencourt, EPFL (�cole polytec. Lausanne) :
http://infoscience.epfl.ch/record/162458/files/mayencourt.semestre.hess.pdf
a) Sur la courbure totale d'une courbe gauche faisant
un n�ud, par Istvan Fary, Bulletin de la SMF, 1949 :
http://www.numdam.org/article/BSMF_1949__77__128_0.pdf
b) Autres publications de Istvan Fary publi�es sur le site Numdam :
http://www.numdam.org/search/Istvan Fary-a
Théorie des tresses, article de Patrick Dehornoy (Univ. Caen) pour l'Encyclopdia Universalis
Groupe des tresses d'Artin : http://www.math.u-psud.fr/~riou/doc/tresses.pdf
a) On the Kinoshita-Terasaka knot and generalized
Conway mutation par Stephan Killman (univ. Sydney, Australie), oct. 1999
:
http://www.maths.usyd.edu.au/u/tillmann/papers/kino.pdf
b) Notes to the early history of the Knot Theory in Japan, par Jozef
H. Przytycki (George Washington university, Washington DC) :
https://arxiv.org/pdf/math/0108072.pdf
Knot Atlas & Rolfsen Knot Table, remarquables table de n�uds et liens avec
leurs caract�ristiques : diagrammes, tresses �quivalentes, polynomes
d'Alexander, de Conway, de Jones, ... :
a)
http://katlas.org/wiki/Main_Page
b)
http://katlas.math.toronto.edu/wiki/The_Rolfsen_Knot_Table
Un �diteur de n�uds et d'entrelacs,
applet Java de Robert Scharein � l'adresse
http://www.knotplot.com.
Vous pouvez y t�l�charger
gratuitement la version d'�valuation de ce logiciel et/ou acheter la version
compl�te.
Entrelacs celtiques : http://www.guide-irlande.com/culture/entrelacs-celtiques/
Enluminures en Islam (BnF) : http://expositions.bnf.fr/islam/arret/04.htm
Notes on Reidemeister torsion, par Andrew Ranicki (univ. Edimbourg) : http://www.maths.ed.ac.uk/~aar/papers/torsion.pdf
En marge de la th�orie des n�uds est l'�tude
de la cr�ation spontan�e de n�uds en agitant un fil d�j� plus ou moins emm�l�e comme,
par exemple, celui de vos oreillettes MP3... Une �tude fort
s�rieuse du module de Physique exp�rimentale (univ. Paris-Diderot) :
http://www.msc.univ-paris-diderot.fr/~phyexp/pmwiki.php/Noeuds/SacDeNoeuds
a) Graduate Student Solves Decades-Old Conway
Knot Problem , article d'Erika Klarreich dans QuantaMagazine (mai
2020) :
https://www.quantamagazine.org/graduate-student-solves-decades-old-conway-knot-problem-20200519/
b) Studying knots and four-dimensional spaces :
https://gradschool.utexas.edu/news/studying-knots-and-four-dimensional-spaces
c) Une �nigme de 50 ans r�solue : Le n�ud de Conway n'est pas bordant, vid�o YouTube
de Micka�l Launay (univ. Aix-Marseille) :
https://www.youtube.com/watch?v=gz-MN3s-jcQ
a) Visualization of the genus of knots, par J. van
Wijk et A. M. Cohen (univ. tech. Eindhoven) :
https://www.win.tue.nl/~vanwijk/knot.pdf
b)
Visualization of Seifert surfaces, par J. van Wijk et A. M. Cohen
(univ. tech. Eindhoven) :
https://www.win.tue.nl/~vanwijk/knot_tvcg.pdf
c) T�l�chargement de l'appli SeifertView :
https://www.win.tue.nl/~vanwijk/seifertview/download_seifertview.htm